lundi 31 décembre 2007

LE PÈLERINAGE.






Le croyant et la croyante, pubères et sains d’esprit, sont tenus, lorsqu’ils le peuvent,[1] à un moment déterminé de l’année,[2] et selon des règles précises,[3] d’accomplir le Pèlerinage à la Demeure sacrée d’Allah[4], une fois durant l’existence ici-bas, ou plus s’ils le veulent.
Le Pèlerinage était connu par les croyants et les croyantes[5] avant la Mission confiée par le Créateur à Mohammad, Son ultime Messager et Prophète.[6]
Pour les croyants et les croyantes, la Kaaba (Alqa’ba)[7] à la Mecque (Makka) autour de laquelle ils tournent selon ce qui a été fixé concernant le Pèlerinage, a été construite par Adame,[8] et reconstruite par Ibrahim et son fils Isma’il.[9] Depuis, elle a été rebâtie, réparée, entretenue, et continue de l’être. La Kaaba indique la direction de la prière, depuis que le Créateur l’a prescrit.


BOUAZZA




[1] Lorsque leurs moyens matériels, physiques le permettent.
[2] Au mois de dou lhijja
[3] Se reporter aux documents pour avoir les diverses informations nécessaires.
[4] Bayte Allah Alharam.
[5] Aloumma, la Communauté (Oumma, Communauté).
[6] Salla Allah ‘alayhi wa sallam (qu’Allah prie sur lui et le salue). Bénédiction et paix sur lui.
[7] Qa’ba (Kaaba).
[8] Adam, sur lui la bénédiction et la paix.
[9] Abraham («r» roulé) et son fils Ismaël, sur eux la bénédiction et la paix.

lundi 24 décembre 2007

LE PRÉLÈVEMENT PURIFICATEUR




La Mission des Messagers et des Prophètes[1] a été de transmettre la Révélation fondée sur l’Adoration du Créateur.
La Révélation combat l’obscurantisme, et pousse à l’effort pour acquérir la Connaissance. Elle nous invite à chercher, à apprendre, à réapprendre, à nous interroger, à réfléchir, à raisonner, à comprendre, à agir.
C’est dans ce cadre qu’il y a lieu de saisir le Témoignage (Achchahada),[2] la Prière (Assalate), le Prélèvement purificateur (Azzakate),[3] Le Jeûne du mois de ramadane (Assawme) et le Pèlerinage (Alhajj).[4]
On parle alors de piliers de l’Islam, auxquels il est important de lier la Foi (Alimane)[5] et le Bienfait (Alihçane).[6]
La Foi est de croire en Allah, à Ses Anges, à Ses Livres, à Ses Envoyés, au Jour Dernier[7] et à la Prédestination, qu’il s’agisse du bien ou du mal.
Le Bienfait étant d’adorer le Créateur comme si nous le voyons car, si nous ne le voyons pas, Lui nous voit.[8]
Parmi les Piliers de l’Islam, il y a donc le Prélèvement Purificateur.
De quoi s’agit-il ?
C’est un Prélèvement prescrit par la Révélation et qui a évolué selon les étapes de cette Révélation. Il obéit à des règles précises concernant l’épargne sur les revenus et se rapportant aux biens matériels mis à notre disposition par le Créateur, le Propriétaire Unique, le Maître des Univers.
Ce Prélèvement Purificateur doit se faire conformément à des critères clairs prenant en compte la situation de chacun. Lorsqu’une personne ne rentre dans aucune des catégories tenues de s’acquitter de ce Prélèvement, cette personne n’est pas concernée par “Azzakate” qui ne s’applique donc pas en dehors de ce qui est prescrit.[9]



BOUAZZA




[1] Sur eux la bénédiction et la paix.
[2] Témoigner qu’il n’y a de Ilah (Divinité) qu’Allah (Dieu), et que Mohammad est le Messager d’Allah.
[3] Impôt Sacré.
[4] À la Demeure Sacrée d’Allah à la Mecque (Bayte Allah Alharame à Makka).
[5] Imane (Foi).
[6] Ihçane, ihsane (Bienfait).
[7] La Résurrection.
[8] Explication de Mohammad sur lui la bénédiction et la paix, rapportée dans «Sahih Mouslime» (recueil authentique de Mouslime).
[9] Pour connaître les multiples points relatifs à ce prélèvement, se reporter aux divers documents fondés sur Alqoraane (le Coran) et Assounna (ce qui se rapporte à la conduite du Messager Mohammad sur lui la bénédiction et la paix).

mercredi 19 décembre 2007

MISÉRICORDE


À l’exemple de notre Messager Ibrahim[1] sur lui la bénédiction et la paix, les croyants et les croyantes font de leur mieux pour accepter les épreuves et obéir au Créateur. Ibrahim[2] sur lui la bénédiction et la paix, était disposé à sacrifier son enfant pour obéir à Allah. Ce sacrifice n’a pas eu lieu. Et dans Son Infinie Miséricorde, le Maître des Univers a fait que c’est un mouton qui a été sacrifié.
La fête du sacrifice[3] aide les croyants et les croyantes à ne pas oublier cet épisode et à réfléchir sur sa portée, comme la fête de la fin du jeûne du mois de ramadane[4] les aide, à ne pas oublier la reconnaissance envers le Bienfaiteur.
Adorer le Créateur, saisir la Beauté, voir les Signes, goûter les Couleurs, déguster les Saveurs, s’abreuver à la Source, s’ouvrir au Message, vouloir la Parure.
Écouter les larmes qui tombent des yeux et résonnent tels les battements du cœur de la Mère que l’enfant béni garde en lui.
Agir pour ici-bas comme si on allait y vivre éternellement, et agir pour l’au-delà comme si on allait décéder demain.


BOUAZZA
[1] Abraham.
[2] Le «r» roulé.
[3] ‘Ide aladha.
[4] ‘Ide alfitr (le «r» roulé).

dimanche 16 décembre 2007

LE COUPLE.



Il est une parure pour elle.
Elle est une parure pour lui.
Le Créateur[1] les couvre d’Amour.



[1] Allah.

LE JEÛNE.




L’humanité, selon des modalités qui ont varié à travers le temps et l’espace, a connu et connaît le Jeûne.
Avec la continuation et l’achèvement de la Révélation, la Mission confiée par le Créateur à Mohammad, Son ultime Messager et Prophète sur lui la bénédiction et la paix, fixe au croyants et aux croyantes, pubères et sains d’esprit, de jeûner pendant un mois[1] par an.[2]
C’est le mois de ramadane.[3]
Le Jeûne[4] dépend de la situation de chaque personne. Des aménagements existent et concernent par exemple la maladie, le voyage, la faiblesse liée au grand âge, les règles, la grossesse, l’accouchement et autres.[5]
«Le jeûne a été utile comme un puissant entraînement à supporter la faim et la soif : pendant tout un mois, chaque Ramadân – qui fait le tour de toutes les saisons de l’année, en raison du calendrier lunaire – les adultes musulmans, hommes et femmes, ne mangent ni ne boivent[6]rien depuis l’aube jusqu’au coucher du soleil.»[7]
Il est important de souligner qu’être en état de jeûne ne consiste pas seulement à renoncer aux aliments, aux boissons ou autres. Cela signifie aussi faire plus d’efforts pour éviter les grossièretés, et l’énervement. Faire plus d’efforts pour s’éloigner des actes impudiques et de toute mauvaise action. Faire plus d’efforts pour augmenter les bonnes oeuvres. Faire plus d’effort pour être mieux à l’écoute. Faire plus d’efforts pour renforcer l’humilité et aller vers l’équilibre. Faire plus d’efforts pour consolider la Foi. Faire plus d’efforts pour s’améliorer et devenir meilleur dans la Voie du Créateur.
Ramadane est un mois Purificateur.
«L’homme, ayant été pétri avec l’amour de sa propre personne, recherche tout ce qui lui offre des satisfactions matérielles, et fuit tout ce qui est le lot des pauvres et des faibles. Or rien n’est plus salutaire, pour l’arrêter sur cette pente fatale, que les tiraillements de la faim et de la soif. […].
Dans le tiers inférieur de la voûte céleste assombrie, se dessina l’arc mince et argenté du croissant, et un long soupir s’exhala de toutes les poitrines, comme si elles eussent été percées de flèches invisibles, décochées par cet arc.
Mais ce n’était pas un soupir de délivrance que poussaient les Fidèles, c’était, au contraire, un soupir causé par le regret d’avoir si promptement terminé cette épreuve du jeûne, faible paiement de la dette de reconnaissance contractée envers le Bienfaiteur.»[8]

[1] Les mois répondent au calendrier lunaire, et les périodes de jeûne changent par conséquent d’une année sur l’autre.
[2] Les croyants et les croyantes peuvent jeûner des jours en dehors de ce mois, s’ils le souhaitent.
[3] Ramadan.
[4] Assawme, assiyame.
[5] Se reporter aux multiples documents qui traitent du jeûne.
[6] Les époux s’abstiennent des relations sexuelles durant la journée du jeûne. Pour en savoir plus sur les différentes abstentions, il est utile de se reporter aux documents concernant ces questions. S’agissant des relations sexuelles en général, il est à rappeler qu’en dehors du mariage, elles sont condamnées.
[7] Muhammad Hamidullah, le Prophète de l’Islam, sa vie, son œuvre, Paris, éditions AEIF, 1989, p.899, tome II (cinquième édition).
[8] Etienne Dinet et El-hadj Sliman Ben Ibrahim, La vie de Mohammed, Alger, La Maison des Livres, 1989, p.86.

samedi 8 décembre 2007

LA PRIÈRE.

Dans un livre, [1]avant le retour de l’écrivain à la Croyance, celui-ci avait noté qu’il se sentait «dérangé de voir une prière se combiner avec des mouvements presque mécaniques du corps». Il avait alors demandé à l’imame[2] :
“Croyez-vous vraiment que Dieu attende de vous, pour Lui témoigner votre respect, ces mouvements d’inclinaison, d’agenouillements et de prosternation ? Ne serait-il pas préférable de regarder en soi même et de prier dans le silence de son cœur ? Pourquoi tous ces mouvements du corps ?”
L’imame répondit :
“De quelle autre manière devrions-nous adorer Dieu ? N’a-t-Il pas crée l’âme aussi bien que le corps ? Les choses étant ainsi, l’homme ne doit-il pas prier avec son corps aussi bien qu’avec son âme ? Écoutez, je vais vous dire pourquoi nous, musulmans, prions comme vous nous voyez le faire. Nous nous tournons en direction de la Kaaba, le temple sacré de Dieu à la Mecque, sachant que les visages de tous les musulmans, en quelque lieu qu’ils se trouvent, sont tournés dans la même direction pour la prière et que nous sommes tous comme un seul corps, avec Lui au centre de nos pensées. D’abord nous nous tenons debout et récitons des passages du saint Coran, nous souvenons que c’est là Sa Parole elle-même donnée à l’homme pour qu’il mène une vie juste et droite. Puis nous disons : «Dieu est le plus grand», nous rappelant à nous-mêmes que personne ne mérite d’être adoré en dehors de Lui. Nous nous inclinons profondément parce que nous L’honorons par-dessus tout et que nous louons Sa puissance et Sa gloire. Ensuite nous nous prosternons avec nos fronts touchant terre parce que nous sentons que nous ne sommes que poussière et néant devant Lui, et qu’Il est notre Créateur et Protecteur suprême. Après quoi nous relevons nos visages et restons assis, priant pour qu’Il nous pardonne nos péchés, nous accorde Sa grâce, nous guide dans la voie droite et nous donne santé et subsistance. Et nous nous prosternons de nouveau et touchons la poussière avec nos fronts devant la puissance et la gloire e l’Unique. Alors nous restons assis et prions qu’Il bénisse le Prophète Muhammad[3] qui nous a transmis Son message, comme Il a béni les Prophètes[4] qui l’ont précédé, et qu’il nous bénisse aussi ainsi que tous ceux qui suivent la voie droite. Et nous Lui demandons de nous accorder le bien de ce monde comme le bien du monde à venir. Enfin nous tournons la tête à droite, puis à gauche, disant : «la paix et la bénédiction de Dieu soient sur vous», ainsi nous saluons tous les justes où qu’ils soient.
C’est ainsi que le Prophète[5] priait ; c’est ainsi également qu’il a enseigné la prière à ses disciples dans tous les temps, de manière qu’ils se soumettent volontairement à Dieu – ce qui est le sens du mot Islam – et qu’ils soient de la sorte en paix avec Lui de même qu’avec leur propre destinée.”[6]
L’imame n’avait pas prononcé exactement ces paroles. L’écrivain a trouvé les mots pour en transmettre le sens, et c’est ce qui lui a ouvert «la première porte menant à l’Islam.»[7]
D’autres avant, ont restitué ce sens :
«Un rayon rose jaillit de l’horizon, les étoiles palissent, et une voix rythmée s’élève, dans le silence de l’aube :
“ Allah est le plus grand ! Il n’y a de Dieu qu’Allah, et Mohammed est le Prophète d’Allah ! Venez à la prière ! Venez au salut !...” […].
Les Musulmans qui sommeillaient encore, enveloppés dans leur draperies blanches et semblables à des linceuls, se lèvent en sursaut, tels des ressuscités ; ils s’empressent vers les fontaines, où ils accomplissent leurs ablutions, puis purs de corps et purs de pensée, ils se groupent par longues files, coude à coude, tous tournés dans une même direction, celle de la Kaâba Sainte de Mecca (La Mecque).
Le corps droit, la tête légèrement penchée, les yeux baissés, immobiles dans les longs plis de leurs vêtements, ils semblent métamorphosés en un peuple de statues. A l’exemple de l’Imam, placé devant eux, dans le même sens, et annonçant chaque phase de la prière par le takbîr : “Allah est le plus grand !” ils élèvent tous leurs mains grandes ouvertes à hauteur de leurs tempes, en témoignant leur extase devant la toute puissance du Maître des Mondes, puis tous, d’un même mouvement, ils courbent leurs dos et s’inclinent profondément devant Sa Suprême Majesté.
Mais ce geste ne leur suffit pas pour exprimer toute l’humilité de leurs âmes ; alors, ils s’effondrent vers la terre, se prosternent en y imprimant pieusement leurs fronts, leurs nez, et demeurent quelques instants dans cette attitudes de suppliants, comme écrasés sous le poids du Ciel tout entier, qui se serait prosterné avec eux… Enfin ils redressent leurs poitrines et demeurent assis, les deux genoux à terre, la tête accablée sous le fardeau de leur ferveur. Une salutation, accompagnée d’un mouvement du visage à droite, puis à gauche, et s’adressant aux deux Anges qui ne cessent d’accompagner tout Croyant, termine la prière.
[…] ces gestes expressifs et simples, dans lesquels la dignité s’allie si parfaitement à l’humilité […] constituent le spectacle d’Adoration le plus poignant que l’on puisse imaginer.
Chaque jour, à chacun des instants où le soleil change la couleur de ses rayons : à son aube empourprée, à son midi flamboyant, et à son déclin doré, à son coucher jauni par la tristesse de sa disparition, et à son ensevelissement dans les voiles bleutés de la nuit, non seulement dans les mosquées,[8] mais dans les maisons et dans les rues, dans les cafés et dans les souks, dans les campagnes et dans les déserts, isolés ou par groupes en quelque lieu qu’ils se trouvent, sans avoir besoin de l’appel du Muezzin ni de la direction de l’Imam, tous les musulmans doivent interrompre leurs occupations et même leurs pensées, pendant quelques minutes, pour glorifier ainsi le Bienfaiteur.
[…] les Fidèles se tournent cinq fois par jour vers la Kâaba Sainte de Mecca, et leurs […] prières[9] s’y gerbent, pour s’élever jusqu’au Très-Haut et Lui témoigner l’inaltérable gratitude de l’âme islamique.»[10]
La Prière est l’un des Piliers majeurs du Message. La clé de voûte de l’Adoration du Créateur.
En dehors de certains aménagements prévus, rien ne dispense une personne, saine d’esprit et pubère, d’accomplir la prière durant l’existence ici-bas.[11]
Les cinq prières quotidiennes sont d’une obligation impérieuse.[12]
Tous les Messagers et Prophètes, sur eux la bénédiction et la paix, accomplissaient la Prière et avaient pour mission de l’enseigner.[13]


[1] Muhammad Asad, Le chemin de la Mecque, Paris, Fayard, 1976.
[2] Le terme est utilisé ici pour désigner la personne qui dirige la Prière. Il peut avoir d’autres significations dans d’autres contextes.
[3] Sur lui la bénédiction et la paix.
[4] Sur eux la bénédiction et la paix.
[5] Sur lui la bénédiction et la paix.
[6] Muhammad Asad, op. Cit, p.86.
[7] Muhammad Asad, ibid, p.87.
[8] Masjid (pluriel masajid), lieu de prosternation (du verbe sajada, se prosterner, et sajda, prosternation).
[9] Se reporter à la documentation sur l’accomplissement de la prière en Islam.
[10] Etienne Dinet et El-hadj Sliman Ben Ibrahim, La vie de Mohammed, Alger, La Maison des Livres, 1989, pages 7et 8.
Etienne Dinet est né à Paris en mars 1861. Son parcours ici-bas a été marqué par le retour à la Croyance. Il a écrit ce livre, avec Slimane Ibn Ibrahim (le « r » roulé) dans les premières années du vingtième siècle. Il est décédé à Paris en décembre 1929.
[11] Que le Créateur nous pardonne nos errements et nous accorde la Guidance (alhidaya). Il est Celui qui répond aux invocations.
[12] Outre les cinq prières quotidiennes, les croyants et les croyantes peuvent accomplir d’autres prières.
[13] Elle a connu des variations à travers le temps et l’espace, et a été fixée telle que nous la connaissons aujourd’hui, par le Créateur et enseignée par Son ultime Messager, Mohammad sur lui la bénédiction et la paix.

dimanche 2 décembre 2007

LA VUE


Mère et belle mère.
Une m’a enfanté et on m'a arraché à elle.
L’autre m’a élevé et je l’ai peu connu.
La force physique baisse.
Les yeux ont été opérés.
Deux mères aujourd’hui âgées, sentant approcher le bout du chemin ici-bas.
Je pense à elles et j’invoque le Créateur pour qu’Il les couvre de Son Amour et ne les prive pas de la vue : la Vraie.
« La cécité n’atteint pas les yeux, mais les cœurs qui sont dans les poitrines. »



BOUAZZA

ÉPREUVES



La nuit a connu des débordements de protestation, [1]ou, comme disent des commentateurs et tateuses, des violences barbares.
Un «contact» avec des «forces de l’ordre» s’est traduit, encore une fois, par la fin ici-bas de l’existence d’enfants. Et encore une fois, les parents auxquels ces enfants ont été arrachés, sont sommés de se désolidariser, et d’admettre que les «émeutiers», «les sauvageons et la racaille de banlieue», sont une «insulte à la République» ! Une «atteinte à la Civilisation» !
Des médias assènent cette «vérité» pour renforcer les «Droits de l’Homme», comme aiment à claironner certains ze certaines.
Des journalistes, «libres et indépendants», défenseurs de «la liberté d’expression» appuient ce mythe, et se présentent comme des «serviteurs de l’objectivité», passant sous silence le fait qu’ils sont salariés de propriétaires de médias dont ils exécutent les orientations néfastes.
Les arrières grands-parents des enfants qui ont quitté l’existence ici-bas, étaient installés, autrefois jadis, de l’autre côté de la mer Méditerranée, albahr alabyad almoutawassite, la mer blanche intermédiaire. Dans un bled[2] colonisé.
Le colonialisme, l’impérialisme ont modifié les modes d’existence ici-bas des populations des territoires occupés, les modes d’existence ici-bas des arrières grands-parents, des grands-parents, des parents, des enfants.
Massacres. Crimes. Carnages. Pillages. Tortures. Viols. Transplantations.[3]
Avec «l’indépendance dans l’interdépendance», les parents des enfants qui ont quitté l’existence ici-bas, se sont trouvés en «métropole».
Transplantations. Exploitation. Haine. Mépris. Humiliations.
Mais dans tous les cas, la Résistance demeure.
La Résistance.
Savez-vous ce qu’est la Résistance ?
Et qui vous dira jamais ce qu’est la Résistance ?
L’Histoire des enfants qui ont quitté l’existence ici-bas n’a pas commencé et ne finit pas en France.
Le matin se lève au rythme qui lui est fixé. Un arc-en-ciel caresse des mères qui n’oublient pas que le Paradis est sous leurs pieds.
Les personnes qui arrivent se dirigent vers les corps des enfants déposés pour une prière avant l’enterrement.
Silence.
« [...] un homme se leva. [...]. Et il chanta.
Ce qu’il chanta n’avait aucune importance. Ce n’étaient pas des mots, un sens, ni même un symbole qui nous faisaient vibrer, hommes, femmes et enfants qui étions là et qui avions oublié pourquoi nous étions là à l’instant même où il avait ouvert la bouche.
C’était l’incantatoire, c’était la fin de nos maux et de nos pauvres petits problèmes, la nostalgie douloureuse et sereine à la fois de cette autre vie qui était la nôtre et vers laquelle nous étions destinés à retourner tous, vainqueurs et vaincus, accomplis ou à l’état larvaire, fidèles et athées, de par la Toute-Miséricorde de Dieu. C’était cela qu’il y avait dans la voix de cet homme qui chantait. [...]. Quand il arrivait à la fin d’un verset, il marquait une pause – et cela était ainsi : une explosion de ferveur. Et, tant qu’il chantait, c’était ainsi : un désert où un homme chantait sa foi. Et la voix modulait, montait, changeait de registre, devenait tragique, devenait un élan, puis tombait sur nos têtes comme un vol de mouette, légère et paisible, presque un souffle. [...]. La paix, la vérité de toujours étaient en lui, dans sa voix – alors que tout croulait autour de lui et sur les continents. »[4]


BOUAZZA


[1] Bâtiments saccagés, véhicules brûlés et autres.
[2] Blad, bilad, pays, contrée.
[3] Et ce n’est pas fini.
[4] Driss Chraïbi, Succession ouverte, Paris, Denoël, 1962, p. 78, 79, 80.

samedi 24 novembre 2007

L’ESSENCE



Le Créateur, Unique et Tout-Puissant, à travers le temps et l’espace, a chargé des Messagers et des Prophètes, depuis Adame[1] jusqu’à Mohammad[2], de nous transmettre la Révélation.
Ceux et celles qui veulent croire croient, et ceux et celles qui ne veulent pas croire ne croient pas.
Chaque être est libre et responsable de son choix, devant le Créateur.
Les êtres naissent croyants.[3]
Des changements interviennent tout au long de l’existence ici-bas.
Les uns, par exemple, gardent cette Croyance, les autres la perdent, et certains, selon des modalités différentes, des cheminements divers et des voies multiples y retournent.
Les témoignages sur ce retour ne manquent pas. Celui de Léopold Weiss en fait partie.
Léopold Weiss est né en 1900 en Europe centrale. Il a passé son enfance en Galicie orientale, à Lwow, territoire à l’époque rattaché à l’Autriche.
De famille aisée matériellement, son grand-père maternel était un banquier fortuné. Son père, avocat avait nourri l’ambition de devenir physicien, alors qu’on espérait le voir opter pour le rabbinat, comme d’autres membres de la famille, dont le grand-père paternel de Léopold Weiss. Celui-ci a bénéficié dans sa formation de cours assez poussés, relatifs au judaïsme et à l’hébreu.
Plus tard, il a choisi de s’appeler Muhammad Asad.[4]
En 1953-54, il a écrit «Le chemin de la Mecque» qui retrace – à travers ses déplacements en Europe et au Moyen-Orient, en Occident et en Orient dans les années vingt – les grandes lignes de son parcours durant ses trente deux premières années qui font partie de l’histoire de son retour[5] à la Croyance. «Le retour d’un cœur dans sa patrie».[6]



«Le passé ? En avais-je un ? J’avais vingt-deux ans…Mais ma génération – la génération née au début du siècle – avait vécu peut-être plus rapidement qu’aucune autre auparavant et pour moi c’était déjà comme si je regardais en arrière une longue étendue de temps. […]. Comment la société devrait-elle être faite pour que les hommes puissent vivre dans la justice et la plénitude ? Comment leurs relations devraient-elles être organisées pour que chacun puisse rompre sa solitude et parvenir à une vraie communion humaine ? Qu’est-ce que le bien ? Qu’est-ce que le mal ? Qu’est-ce que la destinée ? […]. Il y avait eu les cafés littéraires de Vienne et de Berlin, avec leurs interminables controverses sur la «forme», le «style», l’«expression», sur le sens de la liberté politique, sur la rencontre de l’homme et de la femme…
[…]. Elles avaient été bien étranges, ces premières années vingt en Europe centrale. L’atmosphère générale d’insécurité sociale et morale avait donné naissance à une sorte d’attente désespérée qui s’exprimait en expériences hardies dans les domaines de la musique, de la peinture et du théâtre, de même qu’en tâtonnements qui étaient souvent des recherches révolutionnaires dans la morphologie de la culture. Mais cet optimisme forcé s’accompagnait d’un vide spirituel et d’un relativisme vague et cynique né d’un pessimisme croissant concernant l’avenir de l’homme. […]. L’européen moyen, qu’il fut démocrate ou communiste, ouvrier manuel ou intellectuel, semblait ne connaître qu’une seule foi positive : le culte du progrès matériel avec la croyance qu’il ne saurait y avoir d’autre but dans la vie que de rendre celle-ci toujours plus facile, ou pour employer l’expression courante, «indépendante de la nature». […]. Le désir insatiable de pouvoir et de plaisir avait forcément conduit à la division de la société occidentale en groupes hostiles parfois armés jusqu’aux dents et déterminés à se détruire les uns les autres chaque fois que leurs intérêts respectifs entraient en conflit. […].
Au cours des années que j’ai passées au Moyen-Orient[7] […] je fus témoin des constants empiétements des européens sur la vie culturelle des musulmans et sur leur indépendance politique. Et chaque fois que des peuples musulmans ont essayé de se défendre contre ces empiétements, l’opinion publique européenne, prenant des airs d’innocence offensée, a qualifié leur résistance de «xénophobie». […].
Un monde en désarroi et en convulsion, tel était notre Occident. Massacres, destructions, violences sans précédent, conflits idéologiques, luttes acharnées pour imposer de nouveaux genres de vie, tels étaient les signes de ces temps. […]. De tous ces événements effrayants se dégagent cette vérité qu’en se concentrant sur le progrès matériel et technique, l’Occident ne pourrait jamais remédier par lui-même au chaos où il était plongé et le remplacer par un semblant d’ordre. […].
Tant d’opinions fausses sur l’Islam prévalaient en Occident.[8] Ces idées occidentales courantes pouvaient êtres résumées ainsi : Le déclin des musulmans est dû principalement à l’Islam qui, loin d’être une idéologie religieuse comparable au christianisme et au judaïsme, est plutôt un mélange impur de fanatisme d’hommes du désert, de sensualité grossière, de superstition et d’un fatalisme muet empêchant ses adhérents de participer au progrès de l’humanité vers des formes sociales plus élevées ; au lieu de libérer l’esprit humain des chaînes de l’obscurantisme, l’Islam les a plutôt resserrées, en conséquence, plus vite les peuples musulmans seront émancipés des croyances et des règles sociales de l’Islam pour adopter le mode de vie de l’Occident, mieux cela vaudra pour eux-mêmes et pour le reste du monde…
Mes observations personnelles m’avaient maintenant persuadé que l’Occidental moyen se faisait de l’Islam une image extrêmement déformée. Ce que je lisais dans les pages du Coran[9] n’était pas une conception du monde «grossièrement matérialiste», mais au contraire une intense conscience de Dieu s’exprimant dans une acceptation rationnelle de toute la nature créée par Dieu ; c’était une synthèse harmonieuse de l’intellect et des besoins des sens, des impératifs spirituels et des nécessités sociales. Il me devenait évident que la décadence des musulmans n’était due à aucune insuffisance de l’Islam, mais bien plutôt à leur propre incapacité de le vivre pleinement.
En effet ce fut l’Islam qui conduisit les musulmans des premiers âges à d’extraordinaires sommets culturels en dirigeant toutes leurs énergies vers la pensée consciente en tant que seul moyen de comprendre la nature de la création de Dieu et, par là, Sa volonté. Aucune exigence ne leur avait été posée de croire en des dogmes de compréhension intellectuelle difficile ou même impossible […].
Durant toute la période créative de l’histoire musulmane […] la science et l’instruction n’avaient pas de plus grand défenseur que la civilisation musulmane elle-même et aucune partie plus sûre que les pays où dominait l’Islam. […].
Bref, l’Islam donna un développement énorme à des réalisations culturelles constituant l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire de l’humanité. Et ce développement, il le donna en disant Oui à l’intellect et Non à l’obscurantisme, Oui à l’action et Non à la passivité, Oui à la vie et Non à l’ascétisme. […].
Ce ne furent pas les musulmans qui ont fait la grandeur de l’Islam ; c’est l’Islam qui a fait la grandeur des musulmans. Mais dès que leur foi devint routine et eut cessé d’être un programme de vie mis consciemment en pratique, l’élan créateur qui étayait leur civilisation déclina, laissant graduellement la place à l’indolence, à la stérilité et à la décadence culturelle. […].
Et plus je progressais dans la connaissance de l’Islam, plus se renouvelait la sensation qu’une vérité qui m’avait toujours été connue, sans que j’en sois conscient, se dévoilait graduellement et se confirmait. […].
Cependant, dans l’arrogance de leur aveuglement, les Occidentaux sont convaincus que c’est leur civilisation qui apportera la lumière et le bonheur au monde… […].
Elsa[10], comme moi, était de plus en plus impressionnée par la cohésion interne entre l’enseignement moral (du Coran) et ses directives pratiques. Dieu ne demandait pas à l’homme une servilité aveugle, mais faisait plutôt appel à son intellect. Il ne se tenait pas séparé de la destinée de l’homme, mais était plus proche de vous que votre veine jugulaire. […]. Je voyais devant moi quelque chose de pareil à une oeuvre architecturale parfaite avec tous ses éléments harmonieusement conçus de manière à se compléter et à se supporter l’un l’autre, sans rien de superflu ni rien de manquant ; c’était un équilibre et une homogénéité donnant le sentiment que tout, dans la perspective et dans les postulats de l’Islam, était à «sa place».
Il y a treize siècles, un homme se leva et dit :
“ Je ne suis qu’un mortel ; mais celui qui a crée l’univers m’a ordonné de vous transmettre Son message. Afin que vous puissiez vivre en harmonie avec le plan de Sa création, Il m’a enjoint de vous rappeler Son existence, Sa toute-puissance et Son omniscience, et de placer devant vous un programme de comportement. Si vous acceptez ce rappel et ce programme, suivez-moi. ” Ce fut l’essence de la mission prophétique de Muhammad.[11] […].
Un jour de septembre 1926, nous voyagions, Elsa et moi, dans le métro de Berlin. Nous étions dans un compartiment de première classe. Mon regard tomba par hasard sur un passager bien habillé vis-à-vis de moi, apparemment un homme d’affaires aisé, avec un beau porte-documents de cuir sur ses genoux et un gros diamant au doigt. Je songeais que la silhouette corpulente de cet homme correspondait bien à l’image de prospérité qui, à cette époque, était courante dans toute l’Europe centrale, prospérité d’autant plus ostensible qu’elle était venue après des années d’inflation durant lesquelles toute la vie économique avait été sens dessus dessous et les apparences de pauvreté s’étaient imposées partout. La plupart des gens étaient maintenant bien vêtus et bien nourris et le monsieur qui me faisait face ne constituait donc pas d’exception. Mais lorsque je regardai son visage, je n’eus pas l’impression de voir un homme heureux. Il paraissait non seulement soucieux, mais profondément malheureux, avec des yeux fixes et vides et les coins de la bouche tirés comme s’il souffrait, mais non d’une douleur physique. Ne voulant pas être impoli, je détachai mes yeux de lui et les portai sur une dame assez élégante occupant la place d’à côté. Elle aussi avait une expression étrangement malheureuse, comme si elle contemplait ou subissait quelque chose qui lui causait de la peine ; pourtant sa bouche était raidi dans le semblant durci d’un sourire qui, sans doute, devait lui être habituel. Alors je me suis mis à regarder tous les autres visages du compartiment, visages appartenant sans exception à des gens bien habillés et bien nourris : sur presque chacun d’entre eux, je pouvais discerner une expression de souffrance cachée, si cachée que la personne à qui appartenait le visage semblait en être consciente.
Cela était assurément étrange. Jamais auparavant je n’avais vu autant de visages malheureux autour de moi. Peut-être n’avais-je jamais auparavant regardé ce qui maintenant s’exprimait si nettement en eux ? En tout cas l’impression était si forte que j’en fis part à Elsa. Elle commença aussi à regarder autour d’elle avec des yeux attentifs de peintre habitué à étudier les traits humains. Puis, surprise, elle se tourna vers moi et dit :
“ Tu as raison. Ils ont tous l’air de souffrir les tourments de l’enfer…Je me demande s’ils savent eux-mêmes ce qui se passe en eux ? ”
Je savais bien que ce n’était pas le cas, sinon ils n’auraient pas continué à gaspiller leur vie comme ils le faisaient, sans foi dans aucune vérité qui les engage, sans but au-delà de leur désir d’accroître leur «niveau de vie», sans autre espoir que d’acquérir plus de possibilités matérielles, plus d’amusements et peut-être plus de pouvoir…
Rentré à la maison, je regardai par hasard mon bureau sur lequel était ouvert un exemplaire du Coran que j’avais lu avant de sortir. Machinalement je pris le livre pour le mettre de côté, mais, au moment où j’allais le fermer, mes yeux tombèrent sur la page ouverte devant moi et je lus :
Vous êtes obsédés par le désir de plus en plus, jusqu’à ce que vous descendiez dans vos tombes.
Non, mais vous en viendrez à savoir !
Non, si seulement vous saviez avec la connaissance certaine, vous verriez assurément dans quel enfer vous êtes.
Au temps venu, certes, vous le verrez avec l’œil de la certitude.
Et ce jour-là on vous demandera ce que vous avez fait du bienfait de la vie.
Je restai muet un instant. Je crois que le livre tremblait dans mes mains. Puis je le tendis à Elsa.
“ Lis cela. N’est-ce pas une réponse à ce que nous avons vu dans le métro ? ”
C’était une réponse, une réponse si décisive que toute hésitation soudain prit fin. Je savais maintenant, sans aucun doute, que je tenais entre mes mains un livre inspiré par Dieu. Car, bien qu’il eût été placé devant l’homme plus de treize siècles auparavant, il prévoyait clairement quelque chose qui n’avait pu se réaliser que dans notre époque compliquée, mécanisée et fantomatique.
De tout temps les hommes ont connu l’avidité ; mais à aucune époque avant celle-ci l’avidité n’avait dépassé le simple désir d’acquérir plus et n’était devenue une obsession qui troublait la vue de tout le reste : exigence irrésistible d’obtenir, de faire, d’inventer toujours plus, aujourd’hui plus qu’hier et demain plus qu’aujourd’hui. C’était un démon monté sur le cou des hommes et fouettant leurs cœurs pour leur faire atteindre des buts qui brillaient au loin en les narguant mais se dissolvaient dans le néant dès qu’ils étaient atteints ; pourtant la promesse de buts nouveaux se maintenait toujours, buts toujours plus brillants et plus tentants aussi longtemps qu’ils apparaissaient à l’horizon, mais réduits à s‘évanouir encore dans le néant dès qu’on parvenait à leur portée ; et cette faim insatiable de buts toujours nouveaux rongeait l’âme de l’homme : Non, si seulement vous saviez, vous verriez dans quel enfer vous êtes…
Cela, je le voyais, n’était pas simple sagesse humaine exprimée par quelqu’un ayant vécu il y a longtemps dans l’Arabie lointaine. Si sage qu’il ait pu être, un tel homme n’aurait pu par lui-même prévoir les tourments si particuliers à notre XXe siècle. Par le Coran s’exprime une voix plus grande[12] que la voix de Muhammad…[13]
Je repartis, […] accompagné d’Elsa […] pour le Moyen-Orient.[14]
Aucun musulman ne saurait nier que la Kaaba[15] avait existé longtemps avant le Prophète Muhammad[16] ; or sa signification réside précisément dans ce fait. Le Prophète[17] ne prétendait pas être le fondateur d’une religion nouvelle. Au contraire : l’abandon de soi-même à Dieu – Islam – a été, selon le Coran, «l’inclination naturelle de l’homme» depuis l’aurore de la conscience humaine. C’était cela qu’Abraham, Moïse, Jésus et tous les autres Prophètes[18] de Dieu avaient enseigné, le message du Coran n’étant que la dernière des Révélations divines. Un musulman ne saurait pas non plus nier que le sanctuaire avait été rempli d’idoles et de fétiches avant que Muhammad[19] les brisât, juste comme Moïse[20] avait brisé le veau d’or au Sinaï. Car, longtemps avant que les idoles fussent introduites dans la Kaaba, le vrai Dieu y avait été adoré et Muhammad[21] ne fit que de rendre le temple à sa destination première.
Les mouvements corporels du pèlerin autour (de la Kaaba) symbolisent l’activité humaine, signifiant que, non seulement nos pensées et sentiments – tout ce que comprend l’expression «vie intérieure» –, mais aussi notre vie extérieure et active, nos actions et efforts pratiques doivent avoir Dieu pour centre. […].
Je marchais et, à mesure que les minutes passaient, tout ce qui avait été petit et amer dans mon cœur me quittait et je devins partie d’un courant circulaire. Était-ce donc la signification de ce que nous faisions : devenir conscient que l’on est partie d’un mouvement sur une orbite ? Était-ce, peut-être la fin de toutes les confusions ? Et les minutes se dissolvaient, le temps s’arrêtait et c’était le centre de l’univers…[22] […].
(Des) hommes se sont élevés au dessus de leur petites vies et maintenant leur foi les emporte en avant, dans l’unité, vers des horizons nouveaux… Les aspirations ne doivent plus demeurer petites et cachées ; elles ont trouvé leur éveil dans l’accomplissement d’un matin éclatant. Dans cet accomplissement, l’homme marche dans toute la splendeur qui lui vient de Dieu. Sa marche est joie, sa connaissance est liberté et son monde est une sphère sans limites…»[23]






[1] Adam, sur lui la bénédiction et la paix.
[2] Sur eux tous la bénédiction et la paix.
[3] Mouslimine, mouslimate (musulmans, musulmanes).
[4] Peut s’écrire Mohammad Açad.
[5] On parle aussi de «conversion».
[6] Ce retour à la Croyance, concerne également son épouse Elsa.
[7] Son premier voyage a eu lieu suite à l’invitation d’un oncle maternel en poste en Palestine, occupée à l’époque par le colonialisme britannique.
[8] De retour en Europe, lors d’un séjour à Berlin, il avait fait la connaissance de la femme qui allait devenir son épouse, Elsa, plus âgée que lui.
[9] Alqoraane : continuation et parachèvement de la Révélation
Le Créateur a chargé Mohammad, le dernier Messager et l’ultime Prophète sur lui la bénédiction et la paix, de continuer et de conclure la Mission confiée aux Messagers et aux Prophètes précédents, sur eux la bénédiction et la paix.
[10] Épousée en 1926.
[11] Sur lui la bénédiction et la paix.
[12] Ainsi, Léopold Weiss a témoigné qu’il n y a de Ilah (Divinité) qu’Allah (Dieu), et que Mohammad est le Messager d’Allah.
Quelques semaines plus tard, Elsa a fait le même témoignage, marquant, comme son époux, le retour à la Croyance.
[13] Sur lui la bénédiction et la paix.
[14] C’était en 1927 et les époux vont accomplir le pèlerinage (alhajj) ensemble.
[15] Alqa’ba, Demeure Sacrée d’Allah (Bayte Allah Alharame), premier édifice sacré sur terre. Point indiquant la direction de la Prière (alqibla).
[16] Sur lui la bénédiction et la paix.
[17] Sur lui la bénédiction et la paix.
[18] Ibrahim (le « r » roulé), Mouça, ‘Iça et tous les autres Prophètes d’Allah, sur eux la bénédiction et la paix.
[19] Sur lui la bénédiction et la paix.
[20] Mouça sur lui la bénédiction et la paix.
[21] Sur lui la bénédiction et la paix.
[22] Quelques jours plus tard, Elsa a quitté l’existence ici-bas. Son corps a été enterré à Makka (la Mecque).
Nous sommes à Allah, et à Lui nous retournons.
[23] Muhammad Asad, Le chemin de la Mecque, Paris, Fayard, 1976, pages 69, 70, 100, 101, 132, 133, 176, 177, 178, 179, 183, 184, 270, 275, 282, 317, 337, 338, 342.

samedi 17 novembre 2007

LE TÉMOIGNAGE



Je témoigne qu’il n’y a de Ilah[1]qu’Allah[2] et je témoigne que Mohammad est le Messager d’Allah.
Ce témoignage universel, proclamé, renouvelé et transmis, avec ce qui s’en suit, à travers le temps et l’espace, par les croyants et les croyantes, ne cessera pas d’alimenter les Mondes.
Dans leur parcours ici-bas, des hommes et des femmes font ce qu’ils peuvent pour s’abreuver à cette Source.
Les croyants et les croyantes ont affronté, affrontent et affronteront la mesquinerie, l’hostilité, la falsification, la mystification, la machination, le mépris, le dédain, la moquerie, l’insulte, la calomnie, la vexation, l’outrage, l’abaissement, l’infamie le mensonge, le faux, l’injustice, le cynisme, l’exclusion, la marginalisation, l’humiliation, le rejet, la menace, la rancune, la supercherie, la tromperie, la perfidie, la trahison, l’arrogance, la traque, l’abus, le vol, le pillage, l’exploitation, la persécution, la haine, la violence, l’agression, la tyrannie, la férocité, la répression, l’oppression, la torture, l’expulsion, la déportation, la démolition, l’enfermement, le viol, la destruction, la terreur, l’horreur, le massacre, le meurtre.
Toutes ces épreuves n’ont pas fait, ne font pas et ne feront pas disparaître le témoignage qui a continué, continue et continuera au delà du temps et de l’espace.
Un déversement de flots d’endurance.
La Résistance ne s’arrête pas.
Savez-vous ce qu’est la Résistance ?
Et qui vous dira jamais ce qu’est la Résistance ?
Ne pas perdre confiance, ne pas désespérer, faire de son mieux pour assumer le témoignage.
Saisir le Message Eternel pour sortir des ténèbres à la Lumière.
Mouslim[3]j’étais.
Mouslim je suis.
Mouslim je reste.[4]
Par la Grâce du Créateur.


BOUAZZA


[1] Divinité.
[2] Dieu.
[3] Musulman.
[4] Cela ne signifie aucunement que je n’ai pas commis des actes condamnables, ou que je n’en commettrai pas. Qu’Allah me protège et m’aide à m’améliorer. Il est Celui qui répond aux invocations.

COMPOSITION



Des feuilles descendent des arbres et étreignent le sol.
Flots de couleur.
Une frêle toile d’araignée se maintient solidement.
Une abeille poursuit son exploration.
Deux lapins regardent au loin.
Le bruit des véhicules à proximité ne couvre pas le son des glorifications que répand un couple d’oiseaux.
Dans un angle de la construction d’en face, la vitre d’un mirador brille.
Un vent rafraîchissant.
Le jour qui est à son début, se dirige vers sa fin qui annoncera le commencement d’un autre jour.
Le rythme de mes pas s’accélère.
J’accède à la prison.
Rencontre de jeunes incarcérés.
Des mineurs délinquants.
La clarté du dehors éclaire l’obscurité du dedans.
L’obscurité du dedans s’ouvre à la clarté du dehors.
Et inversement.


BOUAZZA

samedi 3 novembre 2007

LES SIGNES



Les Signes[1] sont partout.
L’infinie Miséricorde, du Créateur nous aide à les observer et à réfléchir :
Dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a des Signes pour ceux qui ont un cerveau.
«Le lever du soleil sur les dunes est une explosion rouge et violente comme un feu d’artifice. Et parfois, […] apparaît le miracle d’une vie s’éveillant dans une plante gratifiée par chance d’un peu d’eau.
[…] Alors que je faisais mon ablution en me lavant les mains, le visage et les pieds avec l’eau d’une outre, quelques gouttes tombèrent sur une touffe sèche à mes pieds, petite plante misérable, jaune, flétrie et sans vie sous les âpres rayons du soleil. Mais dès que l’eau commença à s’égoutter sur elle, un frisson parcourut ses feuilles recroquevillées que je vis s’ouvrir lentement et en tremblant. Quelques gouttes de plus, et les petites feuilles s’animèrent, s’enroulèrent et se redressèrent doucement, en hésitant et frissonnant…Je retins ma respiration et versai encore un peu d’eau sur la touffe d’herbe. Elle s’anima plus vivement, presque avec violence, comme si quelque force mystérieuse la faisait sortir du rêve de la mort. Ses feuilles se contractèrent et s’étendirent comme les tentacules d’une étoile de mer, apparemment saisies par un délire timide, mais irrépressible, véritable petite orgie de joie sensuelle. Ainsi la vie entra victorieusement dans ce qui, il y a un moment, n’était que chose morte ; elle y entrait visiblement, passionnément, irrésistiblement, avec une majesté dépassant l’entendement.
La vie dans sa majesté…c’est un sentiment que l’on a sans cesse dans le désert.[2]»
Il m’arrive d’observer longuement mes mains et de me plonger dans une profonde méditation sur les Signes.
Autrefois, en changeant de lieu, je voulais peut-être fuir des troubles, des pratiques condamnables. Je ne savais pas comment me situer, comment lutter, comment résister. Je craignais de sombrer dans le marécage, de devenir une ordure, de ne pas échapper à la pourriture.
Quelles étaient mes convictions réelles ?
Quelles étaient mes vraies motivations ?
Quelle idée avais-je de la suite de mon parcours ici-bas ?
C’était flou.
J’étais inquiet. J’avais peur pour mon épouse et nos deux enfants. L’atmosphère me devenait lourde. Tout me paraissait faussé.
Quelle était la part des facteurs personnels ? La part des facteurs familiaux ? La part des facteurs sociaux ?
J’avais hâte de quitter le Maroc de «l’indépendance dans l’interdépendance».
«L’évasion» a eu lieu, et nous nous sommes installés en «métropole»[3].
Loin de quoi ?
Du temps s’est écoulé.
Des saisons ont succédé aux saisons.
Je suis revenu, je pense, plus profondément à mon «intériorité»[4], par la Grâce du Tout Puissant, pour mieux observer le jour qui se lève, Le soleil et ses lueurs matinales, La lune quand elle vient après lui, La nuit qui s’étend, les canards qui évoluent dans l’eau, les oiseaux qui se déplacent dans le ciel, et d’innombrables autres Signes.[5]
Aimer à retrouver la Raison.



BOUAZZA

[1] Ayate, pluriel de Aya.
[2] Muhammad Asad, Le chemin de la Mecque, Paris, Fayard, 1976, P.17.
[3] En France, pays où j’étais déjà venu pour des études universitaires et où j’avais rencontré l’étudiante native de la Drôme, devenue mon épouse. C’est dans ce pays que notre premier enfant est né. Le deuxième est né au Maroc, Mghrib (le «r» roulé).
[4] Une reconquête ?
[5] «Fils du Levant et de la Berbérie écoutez : l’Orient est en voie de mort. Il est derrière votre dos avec ses Damas, ses Baghdad et ses divisions sans fin qui ensanglantent la terre et dénaturent la parole de Dieu. Plus jamais vous n’y retournerez. Vous êtes ici à présent, en Occident, et c’est comme si vous veniez d’y naître. Parce que, moi, je vous dis que c’est ici, en Occident, que se lèvera désormais le soleil du monde !»
Driss Chraïbi, Naissance à l’aube, Paris, éditions du Seuil, 1986, P.55-56.

jeudi 1 novembre 2007

INTERACTIONS.








Il m’arrive de m’entretenir, dans la cellule de chacun, avec des jeunes incarcérés. Des mineurs délinquants[1]. Lieu minuscule, clos, que nous cherchons, eux et moi, à rendre spacieux, à ouvrir sur un temps et un espace AUTRES.
À quoi pense celui qui accroche, même si le «règlement» l’interdit, une couverture sur la fenêtre, afin de ne pas voir le jour ? Et celui qui quitte rarement son lit et qui me parle en «dormant» ? Et l’autre qui achète des canettes de boissons gazeuses par dizaines, les dispose sur le sol et part dans un grand rire chaque fois que je tente d’en saisir le sens ?
Ces mineurs délinquants, et beaucoup de ceux qui remplissent cette prison[2] pour hommes et d’autres prisons en France, sont issus de familles ayant connu le processus migratoire. Familles presque toutes originaires d’Afrique[3].
À l’intérieur d’un mirador, une balle a retenti. Qui a entendu le coup de feu de celui qui venait de tirer sur lui-même ? A quoi pensait-il avant d’appuyer sur la gâchette et de quitter cet univers ?
Dans le couloir, des surveillants courent pour «porter secours» à un de leurs collègues menacé par un condamné «qui ne respecte pas le règlement».
En même temps, un détenu se fait sodomiser dans une cellule qu’il est obligé de partager[4] avec ceux qui l’enculent à tour de rôle, alors que le «règlement» parle de «protection physique et morale» du détenu.
Au fond d’une allée, une gradée fricote avec un agent, et une sainte-nitouche, proche de la ménopause, «se roule un patin» avec un gigolo de service dans une autre aile du bâtiment, pas loin du local qui enferme les exemplaires du «règlement».
Devant la salle de réunion, une éducatrice et une enseignante «grillent une clope» en tournant le dos à un article du «règlement» qui rappelle l’interdiction de fumer en un tel lieu.
Vers un distributeur de boissons, la psychiatre du Service Médico-Psychologique Régional (S.M.P.R.) attend que le médecin de l’Unité de Consultations et de Soins Ambulatoires (U.C.S.A.) vienne lui payer un café.
À la buvette du mess, plusieurs personnes sont à leur énième bière, et les «gauloiseries» fusent dans cet endroit «con-vivial».
Le chef d’établissement et une de ses adjointes, «à cheval sur le règlement», glosent derrière une vitre, en observant des détenus dans une «cour de promenade», et en faisant semblant de ne pas voir les joints qui circulent «librement».
Au fond du quartier disciplinaire, un détenu chante fort et complique son cas parce que le «règlement» interdit de chanter fort.
Isolé des autres, parce que le «règlement» le stipule, et placé «sous haute surveillance» depuis le début de son mandat de dépôt qui date déjà de plusieurs mois, un homme lit. Il ne compte pas le temps et ne mesure pas l’espace. Il se souvient de Demain.
Le soir à la maison, allongé sur le lit, je regarde, de temps à autre, le ventre de ma mère enceinte de moi. A ses côtés, mon père porte dans ses bras ma sœur, de deux ans mon aînée.
C’est peut-être la première photo de mes parents au Maroc colonisé par la France.
Pour moi, cette photo n’est jamais tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
Des mots clairsemés s’associent, des images diverses se rencontrent, des pensées multiples se rassemblent.
Ai-je transmis ? avait-il demandé.
Oui, avait répondu l’assistance.
Et moi, qu’ai-je fait du Message ?



BOUAZZA






[1] Les mineurs ne partagent pas la cellule avec d’autres détenus. Parfois cela se fait, mais c’est rare.
[2] Maison d’Arrêt pour les majeurs, avec un quartier pour les mineurs qui seront, progressivement incarcérés dans des Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs (E.P.M.). Certains de ces établissements sont déjà en service. D’autres ne vont pas tarder à l’être, afin que la France soit en conformité avec ce que prévoit l’Union européenne dans ce domaine.
[3] Afrique du Nord et autres régions d’Afrique.
[4] Les détenus majeurs, sauf exception, peuvent être jusqu’à trois dans une cellule prévue pour un.

dimanche 28 octobre 2007

DÉMARCHE AUTRE.





Après des emplois au Maroc de «l’indépendance dans l’interdépendance», et d’autres dans la fonction publique territoriale en région parisienne, J’ai été appelé ailleurs. Avec mon attachement à une certaine conception de l’intérêt général qui n’a pas pu cohabiter avec l’idée de «grimper les échelons», je suis encore parti.
Je me suis intéressé au suivi, dit éducatif, de jeunes concernés par des décisions judiciaires. Et comme dans les autres emplois, l’idée de «faire carrière» ne m’effleure pas. J’ai opté pour l’intervention auprès des mineurs délinquants incarcérés.
Initiative brocardée et mise à l’indexe par des donneurs de leçons qui se veulent à «l’avant-garde du combat laïc pour la ré-pub-lique[1]».
Je me suis lancé dans cette activité en détention à un âge où beaucoup de donneurs de leçons continuent les combines «pour assurer une retraite confortable».
Bien que je sois juriste de formation, mon choix n’a pas été dicté par l’attrait de textes de droit. J’ai voulu mieux comprendre ce qui est singulier dans le suivi dit éducatif des mineurs concernés par des décisions judiciaires, et saisir ce qui peut être important dans la manière de travailler avec eux et avec leurs familles.
En choisissant d’intervenir en prison, je savais bien entendu, que dans leur grande majorité, les mineurs délinquants incarcérés, ne sont pas étrangers au processus migratoire. Cela a t-il été déterminant dans mon choix ? Était-ce plutôt la continuation de la réflexion sur la question du dehors et du dedans ?
Ces mineurs sont souvent issus de familles originaires d’Afrique[2].
Ainsi, la famille d’origine d’Afrique par exemple, a des aspects multiples et divers qu’il importe de ne pas méconnaître et qu’il faut étudier. C’est dire que lorsqu'un mineur est incarcéré, cela soulève des questions se rapportant aux structures familiales, aux systèmes de parenté et par conséquent aux fondements même des comportements sociaux.
Je fais de mon mieux pour ne pas perdre de vue ces données. Et je ne cesse de m’interroger :

– Comment saisir les enjeux par rapports aux textes ?
– Comment envisager les rapports à la loi ?
– Comment tenir compte de certaines spécificités au sein d’une société, sans ignorer la réalité ?
– Comment chercher l’équilibre dans une situation compromise ?

Il est important de chercher des réponses à ces questions et à d’autres.
Pour les parents concernés par le processus migratoire[3] par exemple, les parcours comprennent de multiples et diverses ruptures, d’innombrables transformations et révisions. Cela a des répercussions et des effets sur les enfants, sur les fonctions, sur les rôles et sur les places.
Ces parents se trouvent dans des situations et dans des environnements qui leur demandent de nouveaux comportements, d’autres modes de vie, de nouvelles attitudes par rapport à des croyances, à des convictions, à des traditions et autres.
Ils sont tenus de faire face à des changements continus qui nécessitent de s’adapter, sans cesse, à des remaniements successifs dans des contextes en mouvement.
Dans les sociétés de départ, ces parents ont connu des manques dans divers domaines. Leurs familles ont connu des souffrances pour trouver des moyens de subsistances en milieu rural ou citadin, dans des bidonvilles ou des habitats de ce genre, plongées dans la misère, maintenues dans l’ignorance, sans formation, sans soins et sans beaucoup d’autres choses. Les enfants n’échappent pas à certaines conséquences de ces manques. Les incidences, multiples, n’épargnent pas les modes d’organisation familiale et les rapports qui en résultent.
De ce fait, les fonctions, les rôles et les places des parents et des enfants se modifient. Elles imposent de multiples interrogations :

– Quelle démarche éducative mettre en oeuvre ?
– Comment travailler sur les histoires familiales ?
– Comment échanger sur les devoirs et les droits des parents ?
– Comment ne pas «oublier» de tenir compte de l’autorité parentale ?
– Comment écouter les parents ?
– Comment ne pas ignorer leurs cultures, leurs pratiques éducatives, leurs savoirs ?
– Comment ne pas les mépriser ?
– Comment éviter certaines représentations, des préjugés, des amalgames ?
– Comment ne pas recourir à la mentalité colonialiste ?
– Comment ne pas tomber dans l’arrogance ?
– Comment instaurer une dynamique relationnelle dans le respect mutuel ?

Dans mes rapports avec les collègues et les partenaires de travail, je fais de mon mieux pour attirer l’attention sur ces questionnements en ayant toujours recours à des mots simples, en évitant les discours empruntés, la phraséologie creuse ou de circonstance, les termes pervertis ou le jargon de «penseurs» de bistrot.
Je fais ce que je peux pour agir dans un esprit de collaboration saine. Dans tous les sens du terme.
C’est un effort de tous les instants que des êtres, fonctionnaires et autres salariés, donneurs de leçons, y compris bien entendu parmi la hiérarchie, mettent à rude épreuve. Des êtres arrogants. Des êtres qui entretiennent la tricherie, le mensonge. Des êtres forts en gueule. Des êtres qui tentent d’user d’expressions recherchées, complexes, paravent de l’ignorance. Des êtres médiocres qui essayent de se faire passer pour des experts. Des êtres qui travestissent les faits. Des êtres qui insultent la réalité. Des êtres qui sur le temps de travail pratiquent la présence à la carte. Des êtres qui font la semaine de moins de vingt heures, en comptant le temps des réunions, et se plaignent d’être harassés, débordés par le travail en prétendant faire des journées de plus de dix heures pour étayer des revendications sans fondement. Des êtres en surnombre mais qui réclament l’augmentation du personnel car ils ne sont pas assez nombreux «pour accomplir leur mission éducative». Des faux jetons. Des êtres qui ont recours à n’importe quoi pour obtenir des «indemnités», des remboursements de «frais» ou autres.
Des êtres qui font de l’opposition parce que les décisions judiciaires «ne sont pas souvent conformes» à leur «positionnement éducatif concernant ce qui se rapporte aux mineurs dans les divers domaines».
Des êtres sans méthode, sans rigueur, sans cohérence, sans cohésion, d’une immaturité chronique. Des êtres d’une grande incapacité.
Des êtres qui ne sont crédibles ni auprès des mineurs, ni auprès des familles.
Que fait, en vrai, cette espèce chargée du suivi éducatif des mineurs concernés par des décisions judiciaires ?
Des dégâts.
De graves dégâts «habillés» par «l’éducatif» (les ducs à tiffes), parlotte de planqués, de tirs au flanc, d’incompétents, et d’inaptes.
Beaucoup de dégâts. Des dégâts énormes.

Avec les mineurs incarcérés et leurs familles, j’apprends, je découvre, j’observe, j’appréhende, j’étudie, je transmets, je communique, je développe, j’enseigne et partage la modestie, l’humilité la simplicité, la dignité la relation, l’échange les faiblesses, les forces, l’estime, la crédibilité la considération, la confiance, le respect, la réciprocité, la responsabilité, la rigueur, l’autorité, la compétence, l’ouverture, l’émotion, la différence, les luttes, les épreuves, les souffrances, l’apaisement, la résistance, l’endurance, le sens, le lien l’équilibre, l’espoir, l’amour.
La Foi.



BOUAZZA

[1] J’ai l’habitude de ce langage. Je connais le «cheptel» (dans cette expression empruntée, l’utilisation du terme «cheptel» ne doit en aucun cas être comprise comme une dévalorisation des animaux).
[2] Il y a lieu de préciser ici, pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, que le «Maghreb» fait partie de l’Afrique.
[3] Sur lequel il faut réfléchir en lien avec le colonialisme, l’impérialisme et autres.

samedi 20 octobre 2007

LE RETOUR


Une personne marche.
Du vacarme devant une mairie, avec au fronton du bâtiment, trois mots : Liberté-Égalité-Fraternité.
Un mariage.
Un couple originaire du Maroc de «l’indépendance dans l’interdépendance».
Le pays froid où le soleil est chaud, comme disait l’autre[1].
Attroupement.
Des tambourins[2].
Cinq types en tuniques de là-bas et babouches, alimentent un tapage exotique[3].
Des artistes indigènes[4].
Des femmes répandent des «you-you»[5] stridents en se trémoussant et en se tortillant.
Toute la smala[6], une foule bigarrée, utilise des téléphones portables afin de prendre des photos et filmer des scènes à montrer aux habitants du douar[7].
Sur le trottoir, une limousine de location pour attester que les familles des mariés, ont «réussi».
Les autochtones[8]soulignent qu’ils doivent tout contrôler, parce qu’ils sont «chez eux»[9].
Une personne marche encore et pense à des étapes de son parcours.
Atteinte d’agitation aiguë, d’emportements brusques, de débordements incontrôlés, elle refusait d’écouter et faisait n’importe quoi pour se faire voir. Voulait tout réduire à elle-même. Elle pouvait s’appliquer à donner l’image de ce qu’elle n’était pas et à y adapter même sa voix. Ce qui l’intéressait, était d’attirer l’attention de n’importe qui, n’importe comment. Être regardée à tout prix. Elle jouissait en s’exhibant et entretenait un désir pathologique à être remarquée. Elle était en quête éperdue d’artifices pour être vue. Elle cherchait les flatteries par tous les moyens. Seules comptaient ses pulsions. Ses impulsions.
Tout ce qui était incompatible avec son ego démesuré, était nul et non avenu. Elle faisait semblant d’observer, mais ne voyait que son nombril. Son narcissisme dégoulinait de partout. Éclaboussait tout.
Elle refusait de s’en apercevoir et travestissait pour ne pas admettre l’évidence. Elle ne cherchait pas à comprendre et encore moins à discerner. Elle pouvait flirter avec tout, ne supportant pas le moindre reproche. Quiconque osait lui en faire, devait, d’une manière ou d’une autre, faire face à son hystérie. Elle n’admettait pas que quelque chose lui soit refusée.
Elle mettait un acharnement chronique à vouloir avoir raison, alors qu’elle était dans l’erreur. Elle entretenait la confusion, se complaisait dans l’inversion des rôles, affectionnait le mensonge par omission, dissimulait, cachait, déguisait, trompait. Elle parlait à tort et à travers, tenait des discours brouillés, disparates, affichant, avec un terrible entêtement, des attitudes bornées, inconséquentes, infantiles, stupides.
Elle trahissait la confiance, allumait du feu pour provoquer des dégâts puis regardait ailleurs et s’abritait derrière la dénégation.
Oublieuse, elle refusait de se souvenir, y compris de ses parents et de son enfance. Lorsqu’elle en parlait, elle faisait ce qu’elle pouvait pour faire comme si elle en parlait afin de mieux taire ce qu’elle ne voulait pas dire.
Le mariage ?
Elle ne savait même pas pourquoi elle y avait consenti.
Une pulsion.
Une impulsion.
Par des comportements évasifs, des simulations, des enfouissements, des tricheries, elle essayait de jouer à la vie de famille, qu’elle mettait en réalité en danger. Elle n’hésitait pas à procéder à de graves destructions par caprice. Elle était nuisible et ne pensait pas à se réformer en profondeur. Lorsqu’on la ménageait, elle prenait cela pour de la faiblesse et accentuait ses actes inavouables. Elle détestait ce qui la renvoyait à elle-même et la poussait à se remettre en question.
Une personne malsaine.
Sur un banc, un gigolo et une sainte nitouche proche de la ménopause, se bécotent. Le gigolo, originaire d’Afrique du Nord, se sent valorisé par son activité de débauché, en dehors des caves des H.L.M[10]de sa cité-dortoir où il a été initié au sexe. C’est pour lui un signe «d’intégration»[11] de fricoter avec des «gauloises»[12]mariées, qui en redemandent.
La sainte nitouche elle, a presque l’âge de la mère du gigolo. Une pute qui refuse de l’admettre.
Un peu plus loin, allongée près d’un arrêt d’autobus, une SDF[13], les jambes écartées, la main sur le bas ventre, ronfle à côté d’une bouteille d’alcool vide, en face d’une publicité mettant en relief le cul «libéré» d’une «femme de demain», pour vendre la conne future (la confiture).
Entre deux ronflements, la SDF hurle : bâtard.
Deux enfants jouent, tournant le dos à des affiches vantant avec arrogance, «les têtes blondes», et insultant ceux et celles qui n’ont pas «le profil judéo-chrétien», conforme au «faciès de la ré-pub-lique laïque».
Par terre, le titre d’un article de journal appelle à continuer la guerre pour la civilisation.
Des colombes prennent leur envol.
Un chien aboie.
Une personne continue de marcher.
Maintenant, elle sait.
De Source Sûre.
Elle a retrouvé le Sens et cherche à le saisir, à l’approfondir.
Elle veut renforcer le Lien.
Autrefois, elle était dans l’ignorance.
Comme ceux et celles qui continuent de se ruer vers l’échec, en pensant atteindre le succès.
Elle allait vers le chaos.
Perdue.
Perdante.
Aujourd’hui, une coulée de Miséricorde l’irrigue.
Le vacarme autour de la mairie ?
Elle ne l’entend pas.
L’attroupement ?
Elle ne le voit pas.
Ce qu’elle entend, ce qu’elle voit est AUTRE.



BOUAZZA







[1] Lyautey, représentant de l’État colonialiste français au Maroc.
[2] Bnadr, singulier, bendir («r» roulé). Instrument de musique fait d’une roue de bois (ou de plastique) et de peau d’animal (ou artificielle) tendue.
[3] Mot qui a eu ses moments de gloire au bon vieux temps de l’empire colonialiste français.
[4] Vocable désignant les populations colonisées. Appelées aussi autochtones.
[5] Zgharites. Cris manifestant une participation bruyante à un événement considéré comme important.
[6] Terme intégré au français pour désigner, avec le mépris colonialiste, une famille arabe, forcément nombreuse et donc lourde et envahissante.
[7] Avec le «r» roulé. Population d’un village au Maroc.
[8] Qui seront les indigènes lorsqu’ils seront colonisés.
[9] Même lorsqu’ils ne sont pas «chez eux», ils veulent tout contrôler.
[10] Habitations à Loyers Modérés.
[11]«L’intégration» est dans le cul.
[12] Françaises dites de «souche».
[13] Une femme sans domicile fixe.