samedi 3 novembre 2007

LES SIGNES



Les Signes[1] sont partout.
L’infinie Miséricorde, du Créateur nous aide à les observer et à réfléchir :
Dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a des Signes pour ceux qui ont un cerveau.
«Le lever du soleil sur les dunes est une explosion rouge et violente comme un feu d’artifice. Et parfois, […] apparaît le miracle d’une vie s’éveillant dans une plante gratifiée par chance d’un peu d’eau.
[…] Alors que je faisais mon ablution en me lavant les mains, le visage et les pieds avec l’eau d’une outre, quelques gouttes tombèrent sur une touffe sèche à mes pieds, petite plante misérable, jaune, flétrie et sans vie sous les âpres rayons du soleil. Mais dès que l’eau commença à s’égoutter sur elle, un frisson parcourut ses feuilles recroquevillées que je vis s’ouvrir lentement et en tremblant. Quelques gouttes de plus, et les petites feuilles s’animèrent, s’enroulèrent et se redressèrent doucement, en hésitant et frissonnant…Je retins ma respiration et versai encore un peu d’eau sur la touffe d’herbe. Elle s’anima plus vivement, presque avec violence, comme si quelque force mystérieuse la faisait sortir du rêve de la mort. Ses feuilles se contractèrent et s’étendirent comme les tentacules d’une étoile de mer, apparemment saisies par un délire timide, mais irrépressible, véritable petite orgie de joie sensuelle. Ainsi la vie entra victorieusement dans ce qui, il y a un moment, n’était que chose morte ; elle y entrait visiblement, passionnément, irrésistiblement, avec une majesté dépassant l’entendement.
La vie dans sa majesté…c’est un sentiment que l’on a sans cesse dans le désert.[2]»
Il m’arrive d’observer longuement mes mains et de me plonger dans une profonde méditation sur les Signes.
Autrefois, en changeant de lieu, je voulais peut-être fuir des troubles, des pratiques condamnables. Je ne savais pas comment me situer, comment lutter, comment résister. Je craignais de sombrer dans le marécage, de devenir une ordure, de ne pas échapper à la pourriture.
Quelles étaient mes convictions réelles ?
Quelles étaient mes vraies motivations ?
Quelle idée avais-je de la suite de mon parcours ici-bas ?
C’était flou.
J’étais inquiet. J’avais peur pour mon épouse et nos deux enfants. L’atmosphère me devenait lourde. Tout me paraissait faussé.
Quelle était la part des facteurs personnels ? La part des facteurs familiaux ? La part des facteurs sociaux ?
J’avais hâte de quitter le Maroc de «l’indépendance dans l’interdépendance».
«L’évasion» a eu lieu, et nous nous sommes installés en «métropole»[3].
Loin de quoi ?
Du temps s’est écoulé.
Des saisons ont succédé aux saisons.
Je suis revenu, je pense, plus profondément à mon «intériorité»[4], par la Grâce du Tout Puissant, pour mieux observer le jour qui se lève, Le soleil et ses lueurs matinales, La lune quand elle vient après lui, La nuit qui s’étend, les canards qui évoluent dans l’eau, les oiseaux qui se déplacent dans le ciel, et d’innombrables autres Signes.[5]
Aimer à retrouver la Raison.



BOUAZZA

[1] Ayate, pluriel de Aya.
[2] Muhammad Asad, Le chemin de la Mecque, Paris, Fayard, 1976, P.17.
[3] En France, pays où j’étais déjà venu pour des études universitaires et où j’avais rencontré l’étudiante native de la Drôme, devenue mon épouse. C’est dans ce pays que notre premier enfant est né. Le deuxième est né au Maroc, Mghrib (le «r» roulé).
[4] Une reconquête ?
[5] «Fils du Levant et de la Berbérie écoutez : l’Orient est en voie de mort. Il est derrière votre dos avec ses Damas, ses Baghdad et ses divisions sans fin qui ensanglantent la terre et dénaturent la parole de Dieu. Plus jamais vous n’y retournerez. Vous êtes ici à présent, en Occident, et c’est comme si vous veniez d’y naître. Parce que, moi, je vous dis que c’est ici, en Occident, que se lèvera désormais le soleil du monde !»
Driss Chraïbi, Naissance à l’aube, Paris, éditions du Seuil, 1986, P.55-56.

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