samedi 20 octobre 2007

LE RETOUR


Une personne marche.
Du vacarme devant une mairie, avec au fronton du bâtiment, trois mots : Liberté-Égalité-Fraternité.
Un mariage.
Un couple originaire du Maroc de «l’indépendance dans l’interdépendance».
Le pays froid où le soleil est chaud, comme disait l’autre[1].
Attroupement.
Des tambourins[2].
Cinq types en tuniques de là-bas et babouches, alimentent un tapage exotique[3].
Des artistes indigènes[4].
Des femmes répandent des «you-you»[5] stridents en se trémoussant et en se tortillant.
Toute la smala[6], une foule bigarrée, utilise des téléphones portables afin de prendre des photos et filmer des scènes à montrer aux habitants du douar[7].
Sur le trottoir, une limousine de location pour attester que les familles des mariés, ont «réussi».
Les autochtones[8]soulignent qu’ils doivent tout contrôler, parce qu’ils sont «chez eux»[9].
Une personne marche encore et pense à des étapes de son parcours.
Atteinte d’agitation aiguë, d’emportements brusques, de débordements incontrôlés, elle refusait d’écouter et faisait n’importe quoi pour se faire voir. Voulait tout réduire à elle-même. Elle pouvait s’appliquer à donner l’image de ce qu’elle n’était pas et à y adapter même sa voix. Ce qui l’intéressait, était d’attirer l’attention de n’importe qui, n’importe comment. Être regardée à tout prix. Elle jouissait en s’exhibant et entretenait un désir pathologique à être remarquée. Elle était en quête éperdue d’artifices pour être vue. Elle cherchait les flatteries par tous les moyens. Seules comptaient ses pulsions. Ses impulsions.
Tout ce qui était incompatible avec son ego démesuré, était nul et non avenu. Elle faisait semblant d’observer, mais ne voyait que son nombril. Son narcissisme dégoulinait de partout. Éclaboussait tout.
Elle refusait de s’en apercevoir et travestissait pour ne pas admettre l’évidence. Elle ne cherchait pas à comprendre et encore moins à discerner. Elle pouvait flirter avec tout, ne supportant pas le moindre reproche. Quiconque osait lui en faire, devait, d’une manière ou d’une autre, faire face à son hystérie. Elle n’admettait pas que quelque chose lui soit refusée.
Elle mettait un acharnement chronique à vouloir avoir raison, alors qu’elle était dans l’erreur. Elle entretenait la confusion, se complaisait dans l’inversion des rôles, affectionnait le mensonge par omission, dissimulait, cachait, déguisait, trompait. Elle parlait à tort et à travers, tenait des discours brouillés, disparates, affichant, avec un terrible entêtement, des attitudes bornées, inconséquentes, infantiles, stupides.
Elle trahissait la confiance, allumait du feu pour provoquer des dégâts puis regardait ailleurs et s’abritait derrière la dénégation.
Oublieuse, elle refusait de se souvenir, y compris de ses parents et de son enfance. Lorsqu’elle en parlait, elle faisait ce qu’elle pouvait pour faire comme si elle en parlait afin de mieux taire ce qu’elle ne voulait pas dire.
Le mariage ?
Elle ne savait même pas pourquoi elle y avait consenti.
Une pulsion.
Une impulsion.
Par des comportements évasifs, des simulations, des enfouissements, des tricheries, elle essayait de jouer à la vie de famille, qu’elle mettait en réalité en danger. Elle n’hésitait pas à procéder à de graves destructions par caprice. Elle était nuisible et ne pensait pas à se réformer en profondeur. Lorsqu’on la ménageait, elle prenait cela pour de la faiblesse et accentuait ses actes inavouables. Elle détestait ce qui la renvoyait à elle-même et la poussait à se remettre en question.
Une personne malsaine.
Sur un banc, un gigolo et une sainte nitouche proche de la ménopause, se bécotent. Le gigolo, originaire d’Afrique du Nord, se sent valorisé par son activité de débauché, en dehors des caves des H.L.M[10]de sa cité-dortoir où il a été initié au sexe. C’est pour lui un signe «d’intégration»[11] de fricoter avec des «gauloises»[12]mariées, qui en redemandent.
La sainte nitouche elle, a presque l’âge de la mère du gigolo. Une pute qui refuse de l’admettre.
Un peu plus loin, allongée près d’un arrêt d’autobus, une SDF[13], les jambes écartées, la main sur le bas ventre, ronfle à côté d’une bouteille d’alcool vide, en face d’une publicité mettant en relief le cul «libéré» d’une «femme de demain», pour vendre la conne future (la confiture).
Entre deux ronflements, la SDF hurle : bâtard.
Deux enfants jouent, tournant le dos à des affiches vantant avec arrogance, «les têtes blondes», et insultant ceux et celles qui n’ont pas «le profil judéo-chrétien», conforme au «faciès de la ré-pub-lique laïque».
Par terre, le titre d’un article de journal appelle à continuer la guerre pour la civilisation.
Des colombes prennent leur envol.
Un chien aboie.
Une personne continue de marcher.
Maintenant, elle sait.
De Source Sûre.
Elle a retrouvé le Sens et cherche à le saisir, à l’approfondir.
Elle veut renforcer le Lien.
Autrefois, elle était dans l’ignorance.
Comme ceux et celles qui continuent de se ruer vers l’échec, en pensant atteindre le succès.
Elle allait vers le chaos.
Perdue.
Perdante.
Aujourd’hui, une coulée de Miséricorde l’irrigue.
Le vacarme autour de la mairie ?
Elle ne l’entend pas.
L’attroupement ?
Elle ne le voit pas.
Ce qu’elle entend, ce qu’elle voit est AUTRE.



BOUAZZA







[1] Lyautey, représentant de l’État colonialiste français au Maroc.
[2] Bnadr, singulier, bendir («r» roulé). Instrument de musique fait d’une roue de bois (ou de plastique) et de peau d’animal (ou artificielle) tendue.
[3] Mot qui a eu ses moments de gloire au bon vieux temps de l’empire colonialiste français.
[4] Vocable désignant les populations colonisées. Appelées aussi autochtones.
[5] Zgharites. Cris manifestant une participation bruyante à un événement considéré comme important.
[6] Terme intégré au français pour désigner, avec le mépris colonialiste, une famille arabe, forcément nombreuse et donc lourde et envahissante.
[7] Avec le «r» roulé. Population d’un village au Maroc.
[8] Qui seront les indigènes lorsqu’ils seront colonisés.
[9] Même lorsqu’ils ne sont pas «chez eux», ils veulent tout contrôler.
[10] Habitations à Loyers Modérés.
[11]«L’intégration» est dans le cul.
[12] Françaises dites de «souche».
[13] Une femme sans domicile fixe.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le retour, sans détour... Une fois de plus, les mots fusent avec une certaine noirceur et une violence certaine. Et pourtant, la tendresse pointe aussi le bout de son nez... Comme toujours, ou comme souvent en tous cas!
Aucun rapport me direz-vous, mais savez-vous que Rahho (on ne le présente plus, n'est-ce pas) aime beaucoup le fromage? Particulièrement le Saint-Agur... Et ce fromage lui va si bien, puisque son slogan en est "force et fondant à la fois"... Je vous laisse sur cette analogie de haute voltige! A bon entendeur...