samedi 12 avril 2008

DE CHARYBDE EN SCYLLA




Dans le détroit qui sépare la Sicile du reste de l’Italie, Charybde constitue un tourbillon dangereux et en face, le récif de Scylla est plus dangereux encore. D’où l’expression «tomber de Charybde en Scylla», pour dire de mal en pis.
Face à ce qui est présenté comme un ensemble de pays «puissants», rejetant l’Islam, certains et certaines, se disant «musulmans», préconisent d’imiter cet ensemble de pays «puissants» dans divers domaines pour permettre au «monde musulman» d’atteindre le «développement» et contribuer à la «civilisation». Ils soutiennent que «le déclin des musulmans est dû principalement à l’Islam [...] empêchant ses adhérents de participer au progrès de l’humanité [...] ; en conséquence, plus vite les peuples musulmans seront émancipés des croyances et des règles sociales de l’Islam pour adopter le mode de vie de l’Occident, mieux cela vaudra pour eux-mêmes et pour le reste du monde...»[1]
Non seulement ils s’opposent ainsi aux croyants et aux croyantes en prétendant en faire partie, mais soutiennent par ailleurs que le Message du Créateur est la raison du retard du «monde musulman», et qu’il faut dépasser ce Message pour s’en sortir et participer à l’essor universel.
C’est un affrontement qui continue. Il est alimenté aujourd’hui, de mille et une manières par ceux et celles qui rêvent de vaincre la Résistance.
Les ennemis de la Lumière veulent l’éteindre. Mais la Lumière de l’Islam ne s’éteint jamais.
«L’Islam donna un développement énorme à des réalisations culturelles constituant l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire de l’humanité. Et ce développement, il le donna en disant Oui à l’intellect et Non à l’obscurantisme, Oui à l’action et Non à la passivité, Oui à la vie et Non à l’ascétisme. [...].
Ce ne furent pas les musulmans qui ont fait la grandeur de l’Islam ; c’est l’Islam qui a fait la grandeur des musulmans. Mais dès que leur foi devint routine et eut cessé d’être un programme de vie mis consciemment en pratique, l’élan créateur qui étayait leur civilisation déclina, laissant graduellement la place à l’indolence, à la stérilité et à la décadence culturelle.»[2]
«La tendance à l’imitation d’une civilisation est l’aboutissement d’un sentiment d’infériorité. Ceci n’est rien de moins que le fait des Musulmans qui imitent la civilisation occidentale. Ils opposent sa puissance, sa maîtrise technique et sa brillante surface à la triste souffrance du Monde musulman. Ils se mettent à croire, qu’à notre époque, il n’y a pas d’autre alternative au mode de vie occidental. Blâmer l’Islam pour nos propres déficiences est devenue la tendance actuelle.»[3]
Est-ce que cela signifie l’opposition à tout ce qui vient d’ailleurs, comme certains et certaines le claironnent ?
Pas du tout. «On pourrait toujours recevoir de nouvelles et positives influences d’une civilisation étrangère sans que cela ne soit destructif pour soi.»[4]
«Le problème auquel font face les Musulmans aujourd’hui est celui du voyageur arrivé à la croisée des chemins. Il peut rester là où il se trouve mais cela signifierait mourir de faim. Il peut choisir la route dont le panneau signale «vers la civilisation occidentale». Dans ce cas, il devra abandonner son passé pour toujours. Il peut en choisir une autre dont le panneau indique «vers la réalité de l’Islam». Seule cette route peut attirer ceux qui croient dans leur passé et dans la possibilité de le transformer en un avenir vivant.»[5]
«Aujourd’hui, l’Islam est en devenir, il a un avenir. En d’autres termes, son histoire se réanime et commence à revivre, à partir d’une situation en mouvement et en fonction de certains horizons récemment entrevus. Le concept de vocation enveloppe ces deux aspects : les conditions d’un mouvement et sa finalisation par la collectivité humaine qui se trouve placée dans ces conditions.»[6]
«On ne fait pas l’histoire en emboîtant le pas aux autres dans tous les sentiers battus, mais en ouvrant de nouveaux sentiers.»[7]
C’est la Marche de l’Islam.



BOUAZZA

[1] Muhammad Asad, le chemin de la Mecque, Paris, Fayard, 1976, p 176,177.
[2] Muhammad Asad, op. cit, p. 178, 179.
[3] Muhammad Asad, l’Islam à la croisée des chemins, Bruxelles, Éditions Renaissance, 2004, p. 110, 111.
[4] Muhammad Asad, op. cit, p. 111.
[5] Muhammad Asad, ibid, p. 114.
[6] Malek Bennabi, vocation de l’Islam, Éditions du Seuil, Paris, 1954, p.163.
[7] Malek Bennabi, le problème des idées dans le monde musulman, Éditions Albayyinate, Alger, 1990, p.138.

2 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Ah! Voici un message comme j'aime... Quand on pense que l'ouvrage cité de Muhammad Asad date d'un siècle (ou presque), on s'aperçoit que les choses n'évoluent pas si vite... Son discours est encore tant d'actualité!